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ANR Polima : Workshop 3 : Listes d'objets

Le troisième workshop du projet ANR Polima se tiendra à l'École française de Rome les 7, 8 et 9 juin prochain et traitera des listes d'objets (bien meubles essentiellement).

du 7 juin 2016 au 9 juin 2016

du mardi 7 au jeudi 9 juin 2016
École française de Rome
Piazza Navona, 62
00186 Roma
> le projet Polima

Au cours de cette troisième réunion, il s’agira d’examiner les documents comportant des listes d’objets et d’interroger l’organisation ou la composition des listes elles-mêmes. On s’intéressera essentiellement aux biens meubles, les listes concernant les biens fonciers ressortissant évidemment de la question de l’organisation de l’espace et devant être traités à part (séminaire n° 5). Il faudra toutefois lever l’hypothèque de ce que l’on entend par « objets ». La réflexion sur leur statut comme sur les conditions de leur conservation a évolué ces dernières années, dans le contexte plus général de ce qu’on a parfois appelé le « material turn », qu’on cherchera ici à articuler aux pratiques scripturaires. La question de la fonction et de l’utilité pratique des listes d’objets meubles nous renvoie en effet à la fois à la description et à l’appréhension de l’objet en lui-même, au lien unissant le  possesseur à l’objet décrit et mis en liste et enfin à sa valeur d’usage, c’est-à-dire aux conditions de sa mise en circulation (don, héritage, marché) ou de sa mise à l’écart et à l’abri par leur constitution en trésors.

Généralités
Les occasions de compiler des listes de biens meubles sont nombreuses et les types documentaires qui en résultent sont presque infinis : tout objet de propriété est en effet susceptible d’être mis en liste à un moment ou à un autre, que ce soit lors d’un inventaire après décès, lors d’une saisie, du dépôt d’une plainte, ou simplement lors d’une mise en ordre de la maison ou de l’institution (bibliothèque, trésor, archives) ou encore au moment de la préparation des comptes annuels dans le cas d’une grande exploitation. Les listes de documents d’archives et les inventaires de bibliothèques constituent un sous-ensemble particulièrement riche du groupe, sans doute le mieux connu. Or, les principes d’organisation de ces listes sont loin d’être clairs. L’ordre de la liste peut apparaître totalement aléatoire et ne sembler refléter aucun ordre particulier (cas d’une liste de courses élaborée au fur et à mesure que l’absence des produits est vérifiée). Inversement, certaines listes d’objets correspondent à des logiques internes identifiables, mais qui peuvent être diverses, voire contradictoires : disposition spatiale des livres ou des archives (par pièce, par étagère), ordre alphabétique,
valeur, etc… La question de la mise à l’écart ou à l’abri de même que celle de leur gestion dans l’espace ou dans le temps est donc primordiale.


Matérialités et finalités : mises en ordre, mises en espace ?
La première question à poser à propos des lises est celle du support matériel qui a assuré leur conservation et leur transmission, ce qui pose également la question de la technique de rédaction de ces listes et du re-travail possible d’une documentation qui peut être stratifiée (listes intermédiaires, usages de listes plus anciennes). Elles peuvent être établies sur des feuillets séparés, incluses dans des registres ou des cartulaires et parfois même intégrées dans des récits ou des chroniques dont elles interrompent apparemment le fil narratif. À chaque support correspondent sans doute un  statut, un usage et une finalité différents sur lesquels il conviendra de s’interroger. Il peut y avoir un décalage chronologique entre l’établissement de la liste et la copie qui nous a été transmise. Certaines sont écrites au moment même de leur établissement, comme les listes de manuscrits ou les inventaires de bibliothèques ou d’archives, d’autres copiées plusieurs siècles plus tard, au moment de la compilation d’un cartulaire, d’autres enfin, insérées dans des registres notariés après une saisie posent des questions d’un genre particulier ayant trait aux techniques de travail des notaires.

Dans les cas de décalage important, la question des raisons de la sauvegarde et de la copie de listes, alors même que, s’agissant par exemple de trésors, les objets décrits peuvent avoir cessé d’exister, doit être posée, afin de comprendre leur raison d’être. Des listes d’objets précieux possédés par un monastère au IXe siècle peuvent en effet être recopiées au XIIe siècle, alors même que le trésor a été dispersé, parfois d’ailleurs au moment même où la liste était constituée et pour la raison même qui l’avait fait compiler, par exemple un emprunt forcé. Pourquoi alors avoir inclus ces listes parmi les documents à sauvegarder ? Les listes d’objets saisis par la justice ou par des créanciers avant de les vendre à l’encan ont souvent pour but leur estimation. Elles servent aussi de preuves ou d’éléments de preuves dans des procédures. Elles trouvent alors leur place dans des registres notariés ou dans les archives du procès dont elles constituent un moment.

Même s’ils peuvent avoir une fonction de contrôle (en cas de déplacement, mais plus largement pour s’assurer de la présence d’objets qui, comme les livres, peuvent avoir une grande valeur), les inventaires de bibliothèques ou les listes d’archives sont des documents visant à mettre en ordre, à faciliter le repérage des objets en même temps que leur classement en fonction d’un ordre choisi, qui peut être chronologique, topographique, typologique ou autre. Dans ce cas, la liste est comme un guide au lieu d’être un titre de propriété et peut servir à établir de nouveaux documents : la compilation d’un cartulaire suppose, par exemple, celle préalable d’une liste qui permette la sélection des chartes insérées dans le registre. Les listes d’objets saisis ou les inventaires après décès posent le plus de problèmes, dans la mesure où leur ordre n’a rien d’évident. Il importera de s’interroger sur les conditions de compilation de ces documents et sur l’incidence du contexte sur la réalisation de celles-ci. Une saisie, par exemple, implique une sélection. L’officier chargé de l’opérer doit tenir compte de nombreux facteurs comme le montant total de la dette et la possibilité de liquider ce dont il s’empare au nom du créancier. Il existe d’autre part une politique de la saisie : il est rare que l’officier prenne au-delà de ce qui est dû et, même, c’est intentionnellement qu’il prend des biens pour une valeur inférieure à celle qui est due. La liste ne reflète alors qu’une
fraction des biens de propriété présents dans un lieu, choisis en fonction de critères bien précis, le remboursement de la dette, la pression qu’il faut exercer sur le saisi pour qu’il complète celui-ci. L’organisation de la liste est alors très aléatoire. Elle peut refléter l’itinéraire du créancier à travers la maison du débiteur ou effectuer un premier classement selon des critères qui doivent être analysés. L’inventaire après décès pose pour sa part d’autres types de problème, dans la mesure où il doit être exhaustif et donner une représentation fidèle de la valeur des biens détenus par le défunt.
Il importe également de prolonger l’interrogation sur les conditions concrètes d’élaboration de ces listes. A la différence d’autres listes, celles-ci passent par une description concrète des objets par le scripteur, selon des modalités qu’il appartiendra de préciser, aussi bien du point de vue du vocabulaire que de la syntaxe. La liste, à cet égard, est le lieu où s’élabore une technique du regard et de l’évaluation, qui connaît différentes applications, et le type d’information retenue dans la mise en liste est en lui-même révélateur de l’objectif (par exemple, on peut distinguer un inventaire de livres d’un catalogue de bibliothèque). Les listes d’objets permettront de contribuer à éclairer l’ensemble de la typologie générale de la liste en en mettant en lumière des caractéristiques tout à fait particulières, liées au statut de l’objet matériel dans la société médiévale.

La gestion de ces listes constituées, qui passe par leur localisation dans des ensembles documentaires, est un point tout à fait essentiel à notre propos. Les finalités des listes, se ressouvenir du passé, se substituer à la mémoire dans une action où il faut accumuler des objets de type divers  (inventorier les biens d’une maison, contrôler la dépense d’une exploitation), mesurer la valeur des choses possédées, mettre en ordre et situer dans l’espace sont des raisons importantes de constituer des listes d’objet. Il en existe sans doute d’autres. Il apparaît dans ces conditions que quatre directions peuvent être prises et quatre parties prévues.
 
 
a) L’objet en question(s)
La liste est un moyen de définir les objets et de mieux saisir leur perception par les acteurs du Moyen Âge. Le programme rejoint là des préoccupations communes aux anthropologues et aux historiens : la question de la continuité entre la chose et son possesseur, et celle des frontières entre les types de choses et les catégories de personnes. Cette direction permettra de faire le lien avec la session précédente, c’est-à-dire de rebondir sur la question des catégorisations appliquée cette fois aux objets, qu’ils soient sacrés, précieux ou simplement d’usage.
 
b) Monumentaliser et/ou gérer les objets
Les listes sont des instruments de gestion des objets possédés, soit pour en marquer l’exceptionnalité, soit au contraire pour en montrer le caractère totalement ordinaire. Les nventaires de trésor, d’archives ou de bibliothèques ont pour effet de faire voir le caractère exceptionnel d’objets ou de groupes d’objets, pour cela même mis à part et tantôt montrés tantôt cachés (cas des trésors ou de certaines pièces d’orfèvrerie à usage liturgique). Les listes servent aussi ranger les objets à l’intérieur de collections, à leur donner un rang dans un ensemble dont les éléments possèdent des caractéristiques communes (e.g., listes de chartes établies avant la compilation d’un cartulaire). Elles servent aussi à marquer le caractère patrimonial des objets afin de les immobiliser.
 
c) Objets en transmission
Les listes jouent un rôle essentiel dans les procédures de transmission, lors du passage d’un génération à une autre, ou lors d’aliénations, à titre gracieux ou onéreux. Les inventaires après décès, dont on a déjà dit qu’ils posaient des problèmes particuliers, mais aussi les listes d’objets constituant le trousseau de la mariée sont autant de moments où s’opère la description des éléments vivants d’un patrimoine et qui permettent de régler immédiatement (inventaires après décès) ou par anticipation (trousseaux) le passage des biens d’une génération à une autre. Les donations effectuées par voie testamentaire, les legs d’objets, mais aussi les listes dressées lors d’emprunts forcés entrent dans cette catégorie des objets en transmission, la liste ayant pour fonction de les saisir au moment même où, changeant de possesseur, ils vont peut-être aussi changer de statut. Ces listes donnent, dans un contexte parfois satirique mais pas nécessairement, à une poétisation des formes des actes de la pratique. Ce passage du plan documentaire au plan littéraire est important pour le projet puisqu’il permet de faire fonctionner les deux axes, littéraire et historien, du projet.
 
d) Objets en transformation, objets éphémères
La fabrication, la transformation et la consommation exigent fréquemment que des listes soient compilées. Les ingrédients utilisés lors d’opérations mettant en cause des connaissances élémentaires (ou non) de chimie, comme par exemple la composition des colorants de l’industrie textile ou  celle des matières nécessaires au travail des métaux donnent lieu à l’établissement de listes. Il en va de même des objets très particuliers que sont les aliments, traités comme des matières premières dans les listes qui sont constitutives des recettes, mais traités aussi comme des objets précieux qu’il faut décrire et mettre en valeur par l’établissement des menus qui sont lus ou déposés sur la table. Le caractère plus ou moins solennel du banquet, et l’honneur qu’il fait aux convives, est ainsi désigné par le menu qui l’accompagne et l’organise.


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