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Statuti : Écritures et pratiques sociales dans les sociétés de la Méditerranée occidentale à la fin du Moyen Âge (XIIe-XVe siècles)

Participants DYPAC : Étienne Anheim et Pierre Chastang(CMBV)
Partenaires : École française de Rome, ICT (Université de Paris 7), ACP (Université de Marne-la-Vallée), LAMOP (CNRS-Université de Paris 1), CERM (Université de Florence), Centro Europeo di Ricerche Medievali de l'Université de Trieste
Durée : 48 mois

du 1 janvier 2012 au 1 décembre 2016

2012/2016
 
Ce programme de recherche est inscrit dans le quadriennal de l’Ecole Française de Rome (2012-2016), voir : www.efrome.it

Entre le XIIe et le XVe siècle, les communautés médiévales ont livré une documentation abondante et variée : statuts communaux, délibérations communales, ordonnances urbaines, criées, documents comptables, fiscaux et judiciaires, actes notariés, etc. Cette documentation a déjà été largement exploitée par les historiens, soit, de manière conjointe, dans le cadre de monographies locales ou régionales soit, de manière séparée, sur un thème spécifique concernant la vie d’une ou de plusieurs communautés. Pour de nombreux historiens et historiens du droit, les textes statutaires représenteraient une norme plus ou moins rigide à laquelle le notaire, le juge, le podestat ou le prieur en exercice, dans sa pratique quotidienne, se référerait.

Face à cette « source normative », les actes notariés, les procédures inquisitoires et les sentences rendues par les tribunaux communaux ainsi que les délibérations des conseils municipaux représenteraient des « actes de la pratique », plus proches de la « réalité » que les statuts. On aurait ainsi, d’un côté, des normes qui auraient pour fonction de proposer des cadres et de l’autre, les pratiques des acteurs qui contourneraient, manipuleraient cette norme connue. Notre projet de recherche se propose de remettre en question ce découpage souvent trop facilement admis et d’essayer de voir dans quelle mesure les sources statutaires, centrées sur des usages locaux, profondément ancrées dans un territoire, ne donneraient pas, elles aussi accès à une forme de connaissance des pratiques, au plus proche des acteurs. 
Dans un contexte d’inflation documentaire et de circulation accrue de l’écrit, l’approche typologique déterminée par des catégories principalement juridiques sur laquelle nous nous appuyons traditionnellement n’est pas pertinente. Or, cette conception est à l’origine de la très grande majorité des travaux d’édition qui, pensons-nous, applique une norme typologique qui ne tient nullement compte de la genèse des textes, voire de leur statut exact. Si l’on inverse la perspective et que l’on part du flux documentaire, des pratiques et des chaînes d’écritures, on peut réinterroger de manière différente le rapport entre normes et pratiques dans les processus d’écriture institutionnels. Nous considérons en effet les documents non comme un point de départ mais comme le résultat d’un lent processus de production qui doit, lui aussi, être pris en compte et étudié. L’un des angles d’attaque consiste, dans une optique de micro-histoire, à confronter  systématiquement, sur un thème spécifique, la production et l’usage de ces divers types de documentation : les statuts, les riformanze, les actes notariés et les procès. L’ensemble de cette production documentaire contribue pleinement à la pratique du pouvoir dans les communautés urbaines. Il faut surtout admettre une interpénétration constante entre toutes ces sources, une grande porosité, du fait même que ce sont souvent les mêmes acteurs (l’élite communale) qui les produisent. On peut donc considérer aussi qu’il existe différentes strates normatives qui se superposent et se complètent du niveau le plus haut ou le plus large (comtal, provincial ou royal) au plus restreint (professionnel) en passant par l’échelon communal. Ces différentes strates forment un ensemble réglementaire composite pesant sur les pratiques. L’étude du positionnement de ces différentes strates les unes par rapport aux autres n’est pas sans intérêt.

Complémentaires, ces diverses composantes peuvent aussi apparaître concurrentes et donner à observer des tensions entre les divers niveaux de réglementation, chacun de ceux-ci (réglementation des autorités souveraines, des communes, des métiers) pouvant avoir à cœur de marquer en quelque sorte son emprise, de dominer un espace ou un secteur d’activité. Statuer peut, en ce sens, apparaître comme un enjeu social de toute première importance.
 L’historiographie récente ne voit plus les statuts comme une norme imposée d’en haut. Il est peut-être temps en effet d’essayer de mesurer les indices, les signes, les écarts qui trahissent, même à l’intérieur des textes apparemment les plus formatés, des formes de négociation, d’adaptation, de bricolage imposées par la communauté d’habitant ou ses représentants. La grille de lecture que nous proposons ne cherche pas à reconstruire des cadres généraux et structurels mais propose une démarche empirique à l’échelle locale. Aujourd’hui, la réduction (microstoria) ou la variation des échelles d’observation (« histoire multiscopique ») incite davantage à s’intéresser à des productions documentaires relatives a
un micro-territoire. Les statuts, en effet, dévoilent également des éléments très concrets (toponymie, anthroponymie, etc.). Les normes statutaires servent aussi à légitimer les pratiques et apparaissent donc aussi comme un moyen d’essayer d’organiser le réel voire de le transformer. In fine, le but de l’enquête proposée est de montrer les liens entre la distribution typologique de la documentation et l’histoire des pratiques sociales et, partant, de démontrer la porosité de ces types de documentation et de remettre en cause les oppositions trop brutales entre normes et pratiques et les associations trop mécaniques entre certaines sources et l’une ou l’autre de ces deux catégories.

Étienne Anheim et Pierre Chastang participent depuis 2012 au projet franco-italien intitulé « Écritures et pratiques sociales dans les sociétés de la Méditerranée occidentale à la fin du Moyen Âge (XIIe-XVe siècles) ». 

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